14/08/2023

Qu'est-ce qu'un présupposé ? en quoi se distingue-t-il d'un préjugé ?

Il est d'usage de commencer sa dissertation par un préjugé, ou par un présupposé,  mais encore faut-il savoir ce que l'un et l'autre de ce terme recouvrent. Si le préjugé est une opinion commune ou généralement admise, le présupposé est ce qu'admet un énoncé, et cette supposition est logique. Prenons cet énoncé comme exemple : L'obéissance peut-elle être un acte de liberté ?
On peut débuter sa dissertation en disant qu'on assimile souvent l'obéissance à une soumission à autrui, à une allégeance, où à une tutelle, mais certainement pas à la liberté, alors comment l'obéissance peut -elle être un acte de liberté ? Si on choisit l'option présupposé, on dira :  le sujet admet que l'obéissance est un acte, et nous demande de déterminer si cet acte est de liberté. Quel est l'avantage de partir d'un présupposé ? En identifiant le présupposé, on le distingue de la question que soulève l'énoncé. Admettons que l'énoncé se definisse comme ce qui est dit, le présupposé se définira comme ce qui est.

On trouve alors le présupposé d'un énoncé, en distinguant ce qui est de ce qui est dit. Tenez par exemple cette affirmation : Paul est un homme. Qu'est-ce qui est ? Paul est. Qu'est-ce qui est dit ? qu'il est un homme.

Savoir trouver le présupposé d'un énoncé est le premier pas dans l'analyse d'un énoncé.

Combien de présupposés un énoncé peut-il avoir ?

Un énoncé peut avoir autant de présupposés que possible, mais étant donné qu'il est d'usage pour une dissertation d'avoir trois parties, il est donc conseillé de trouver trois présupposés à un énoncé de dissertation. Maintenant toute la question est de savoir comment procède -t-on pour identifier ces trois présupposés. Mais avant d'identifier nos trois présupposés, on identifiera dans l'énoncé, le sujet, le prédicat, et la copule, qui sont en logique, les trois termes d'une proposition.

Considérons l'énoncé : L'obéissance peut-il être un acte de liberté ? Dans cette énoncé l'obéissance est sujet, le verbe est est la copule, et acte de liberté est le prédicat. Le sujet d'une proposition est, ce qui est, et le prédicat est ce qui est dit du sujet. Pour trouver le premier présupposé, on se posera cette question : que dit l'énoncé du sujet ? que dit l'énoncé de l'obéissance ? l'énoncé dit que l'obéissance est un acte. Il nous demande cet acte est de liberté. Nous tenons alors le premier présupposé selon lequel l'obéissance est un acte, et on se demandera si cet acte est de liberté, dans une première partie.

Pour trouver le deuxième présupposé, on cherchera à qualifier le prédicat secondaire de l'énoncé, c'est-à-dire, acte, en se posant la question : quel genre d'acte est l'obéissance, réponse : l'obéissance est un acte de soumission, et on questionnera :  cet acte peut-il être de liberté ? Nous tenons ainsi le deuxième présupposé qui alimentera la deuxième partie.

Pour trouver le troisième présupposé, on se tournera vers le prédicat principal, en se demandant : que dit l'énoncé du prédicat principal ? et le prédicat principal de cet énoncé est la liberté. Alors que dit l'énoncé de la liberté ? pour que l'obéissance puisse être un acte de liberté, il faut considérer la liberté comme ce qui est recherché, est ce qui est recherché peut être considéré comme une fin. L’énoncé considère donc l'énoncé comme une fin. Mais si la liberté est une fin, peut-elle être atteinte par l'obéissance ? Voilà l'hypothèse que l'on analysera dans la troisième partie.

Cette analyse, il faut le dire, est conforme à la particularité de l'exercice de dissertation en philosophie. Quelle est cette particularité ? La dissertation de philosophie est le seul exercice qui mobilise à la fois les deux procédés principaux de la raison que sont l'induction et la déduction.

Pour faire court, l'induction est le procédé par lequel notre esprit élargit un concept et la déduction est le procédé de rétrécissement. Considérons un objet quelconque, le sapin de mon jardin, je peux le considérer comme :  un sapin, un arbre, un conifère, un être vivant , ou comme une substance. C'est ce passage du particulier au général, que l'on nomme induction, en logique on parle d'extension, Kant l'a appelé le jugement réfléchissant, mais le procédé reste le même : on agrandit. Quand un médecin vous prescrit une ordonnance, il pense de manière inductive, il rapporte votre infection particulière à une molécule connue. L'autre procédé est la déduction, c'est à dire rétrécissement, pour reprendre l'exemple du sapin de mon jardin, je peux le considérer comme une substance, un être vivant, un conifère, un arbre, ou juste comme un sapin, en logique ce rétrécissement se nomme compréhension, Kant l'a appelé le jugement déterminant. Quand un juge prononce une condamnation, il procède déductivement, il ramène la loi au cas particulier d'un délit.

Tenez par exemple les preuves de l'existence de Dieu. Prenons la preuve physico-cosmologique que dit-elle ? il existe des objets naturels que sont les arbres, les montagnes, les cours d'eau, les hommes, les animaux, il doit bien avoir une cause à ces objets, on remonte alors de cause en cause jusqu'à la cause première qui est Dieu, selon Aristote.  Induction : on agrandit.

Pour la preuve ontologique, son auteur est saint Anselme, mais cette preuve a été reprise par Descartes, puis Leibniz, et « atomisé » par Kant. Que dit-elle ? j'ai en moi l'idée d'un être parfait, et cet être ne peut ne pas exister, car ce serait une imperfection, Donc Dieu existe. De l'idée Descartes déduit l'existence, il rétrécit : 
Pour revenir à la dissertation, elle est le seul exercice où l'esprit est mobilisé à la fois inductivement et déductivement.  Pourquoi ? parce que la dissertation de philosophie consiste à : donner au prédicat la compréhension du sujet, et au sujet l'extension du prédicat, autrement dit, faire une dissertation n'est autre chose qu'étendre le sujet et réduire le prédicat. Dans une dissertation de philosophie,  induction et déduction se recoupent.  Mais la question est de savoir quand faut-il estimer que le sujet est suffisamment étendu, et quand est-ce que le prédicat est suffisamment rétrécit. 


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